Il vint droit à la prairie gelée et enneigée, où l’armée du roi séjournait. Mais avant qu’il arrivât aux tentes, une troupe d’oies sauvages passa, que la neige avait éblouies. Il les a vues et entendues car elles s’en allaient en criant à cause d’un faucon qui filait après elles à toute vitesse ; si bien qu’il en trouva une à l’écart, égarée hors de sa troupe, et l'oiseau de proie la heurta et la malmena tant et si bien qu’il l’abattit à terre ; mais il était top tôt, alors il la laissa,parce qu’il ne voulait pas s’acharner sur elle. Perceval s'approcha de l'endroit où il les avait vus.
L’oie était blessée au cou, elle saigna trois gouttes de sang qui se répandirent sur le blanc de la neige, au point de ressembler à une couleur naturelle. L’oie n’avait pas de mal ni de douleur qui la retenaient au sol si bien qu’elle s'envola avant son arrivée. Quand Perceval vit tassée la neige sur laquelle l’oie était couchée et le sang qui apparaissait tout autour, il s’appuya sur sa lance pour regarder cette apparence étrange ; car le sang et la neige ensemble ressemblaient pour lui à la fraiche couleur du visage de son amie ; il y pensa tant qu’il en oublia le reste, car ainsi était sur son visage le rouge posé sur le blanc, comme étaient ces trois gouttes de sang qui apparaissaient sur la neige blanche.
Et tout en regardant, il lui semblait, tant cela lui plaisait, qu’il voyait le teint frais du visage de sa belle amie.
Perceval rêve sur les gouttes ; il y passe toute la matinée…
L’oie était blessée au cou, elle saigna trois gouttes de sang qui se répandirent sur le blanc de la neige, au point de ressembler à une couleur naturelle. L’oie n’avait pas de mal ni de douleur qui la retenaient au sol si bien qu’elle s'envola avant son arrivée. Quand Perceval vit tassée la neige sur laquelle l’oie était couchée et le sang qui apparaissait tout autour, il s’appuya sur sa lance pour regarder cette apparence étrange ; car le sang et la neige ensemble ressemblaient pour lui à la fraiche couleur du visage de son amie ; il y pensa tant qu’il en oublia le reste, car ainsi était sur son visage le rouge posé sur le blanc, comme étaient ces trois gouttes de sang qui apparaissaient sur la neige blanche.
Et tout en regardant, il lui semblait, tant cela lui plaisait, qu’il voyait le teint frais du visage de sa belle amie.
Perceval rêve sur les gouttes ; il y passe toute la matinée…
Chrétien de Troyes, Perceval ou Le Conte du Graal, 1181.