La
famille était réunie autour d’une grande table pour les 50 ans de
tonton Jeannot. La famille était grande : enfants,
petits-enfants, cousins, cousines, oncles et tantes, neveux et
nièces, ils avaient tous répondu présent. La grande table de
fortune faite de tréteaux et de planches de bois était couverte
d’une magnifique nappe blanche en lin, brodée aux initiales de
l’arrière grand-mère. Sur cette nappe étaient posés d’immenses
plats de choucroute et plusieurs bouteilles de vin blanc.
Comme
d’habitude, tante Josette se faisait remarquer. Elle était de
forte corpulence, les traits de son visage étaient épais et ses
cuisses bleues ressemblaient à des jambons. Toute la famille buvait
ses paroles.
Elle
racontait la même blague depuis des années :
« Il
y a deux patates : une se fait écraser et l’autre dit :
« Purée ! ».
Joséphine,
la sœur de Jeannot, connaissait évidemment la blague, mais ne put
s’empêcher de glousser. Peu à peu, tous les membres de la
famille, même les plus jeunes, se mirent à pouffer de rire.
Gaspard, un des neveux, les yeux remplis de larmes de joie, dit à
ses cousins : « T’as compris ? », et les
éclats de rire allaient de plus belle.
Pendant
ce temps, tout le monde s’empiffrait de choucroute et les
bouteilles se vidaient à vue d’œil. La table ressemblait à un
champ de bataille : il y avait des bouts de saucisses partout,
des taches de vin et de moutarde, et même des taches de cambouis car
le frère de Jeannot venait de réparer son automobile.
« On
reconnaît bien la place du mécanicien là ! » s’exclama
Jeannot.
Tout
le monde avait sa blague à raconter. L’ambiance était joyeuse.
Seul Jeannot ne pouvait plus faire rire. Il ne pouvait plus rire non
plus. Son frère s’aperçut que quelque chose ne tournait pas rond.
Il
lui dit : « Alors Jeannot, un coup de chaud ? ».
Mais
Jeannot n’allait pas bien. Il était tombé de sa chaise, sa figure
était bleue et il respirait très mal. Des fils de chou sortaient de
son nez bleui par le manque d’oxygène. C’est alors qu’ils
dirent en chœur : « C’est ballot, on dirait bien qu’il
est mort ! ».