Une nuit
Ce soir-là, je rentrai de ma partie de golf. Je passai le portail gris de ma demeure puis l'allée de sable noir. A travers la baie vitrée de mon bureau, recouverte de suie, je vis que les domestiques s'étaient occupés du jardin. Ils avaient remis tellement de terre dans les jardinières autour de la maison, que cette dernière était pratiquement passée sous le niveau du sol.
Ces dernières semaines, je me sentais fatigué, épuisé... Je ne dormais plus. J'avais peur... Mais peur de quoi? Je ne savais pas! Peut-être d'un dragon sous mon lit! Ou d'un cadavre dans ma penderie... Je me paraissais enfantin... Mais pas question de dormir.
Comme après chaque copieux repas, la cuisinière m'apporta des cachets, qui me permettaient de rester éveillé. Cette fois, elle mit du temps à arriver et avait l'air très embarrassée lorsqu'elle entra :
"Mais que vous arrive-t-il? demandai-je.
_Il semblerait, Monsieur, que que vos cachets aient disparu. Je vous demande pardon, Monsieur, m'implora-t-elle.
_Envoyez donc le majordome en chercher!" m'écriai-je.
Malheureusement, le seul endroit où l'on pouvait en trouver, était à deux heures de route. Il me faillait attendre et tout faire pour ne pas dormir.
Quatre heures passèrent. Cinq heures... Mais où était-il? Le Sommeil me tournait autour. Je le sentais. Il avait une présence si légère, si entraînante... Je ne sentais plu rien, rien, rien... Je fermai les yeux...
Je dormais! Je dormais! Mes yeux! Fermés! Oui, fermés! Le majordome... Mes cachets! Me réveiller, vite! Mes yeux... Mes yeux... s'ouvrirent. Où étais-je? Quelques fragments de murs calcinés m'entouraient... Et des cendres, partout! Le nom de la rue, le numéro... C'étaient ceux de ma maison! Des cendres! Mais la pelouse... Verte, elle était verte! Comment était-ce possible? J'avais déjà vu une maison brûlée. Celle de mon voisin. Alors était-ce un rêve? Un cauchemar? La rue, vide! L'unique chose irréelle. Tout était réaliste! Alors j'étais vivant! Ou fou...
Lucille Seurre (4°1)