"Son état d'esprit était un curieux mélange de jugements corrects et d'absurdités. Il réalisait que les gens autour de lui étaient des malades, mais en même temps il voyait en chacun d'eux une personnalité mystérieuse, se cachant ou que l'on cachait, qu'il avait connue auparavant, qu'il avait trouvée dans ses lectures ou dont il avait entendu parler.
L'hôpital était peuplé de gens de tous les temps et de tous les pays. Il y avait des vivants et des morts. Il y en avait d'illustres et de puissants ; il y avait aussi des soldats tués à la dernière guerre, et ressuscités. Il se voyait dans une sorte de cercle magique et ensorcelé où affluait toute la force de la terre ; avec un orgueil insensé il se considérait comme le centre de ce cercle. Tous ses camarades d'hôpital s'étaient réunis là pour accomplir un acte en lequel il se représentait confusément une entreprise gigantesque visant à l'anéantissement du mal sur la terre. Il ignorait la teneur de cet acte, mais il sentait en lui-même assez de force pour l'accomplir. Il savait lire les pensées des autres hommes ; il voyait, dans les choses, toute leur histoire. Les grands ormes du jardin de l'hôpital lui racontaient mainte légende du passé."
(Vsevolod Garchine, La Fleur rouge, années 1880.)
"Il émane de lui une extase paisible, c'est littéralement un ange sans chair."
(Ilia Répine, à propos de son modèle.)