La rue d’Auseil se trouvait de l’autre côté d’un fleuve sombre, bordé d’immenses entrepôts de briques aux fenêtres opaques, et franchi par un lourd pont de pierre noirâtre. L’air était toujours gris et presque obscur près de ce fleuve, comme si la fumée des usines proches y empêchait en permanence le soleil de percer. Ce fleuve émettait aussi une odeur chargée de relents douteux que je n’ai jamais sentis autre part, et qui pourront peut-être un jour me permettre de le retrouver car je les reconnaîtrais immédiatement. Au-delà du pont, d’étroites ruelles pavées, longées de grilles. Et on montait ensuite, doucement d’abord, puis très vite : on était arrivé à la rue d’Auseil.
Je n’ai jamais vu de rue aussi étroite et aussi raide que la rue d’Auseil. C’était presque une escalade ; elle était fermée à tout véhicule, coupée d’escaliers par endroits, et bouchée à son sommet par un mur élevé et couvert de lierre. Son revêtement changeait au cours de la route : par endroits de vastes dalles, en d’autres des pavés, en d’autres encore une terre battue à quoi s’accrochait comme elle pouvait une végétation vert grisâtre. Les maisons qui bordaient la rue étaient hautes, avec des toits pointus, incroyablement vieilles, et toutes penchaient de la façon la plus fantasque qui fût, en avant, en arrière ou de côté. Par endroits, deux maisons se faisant face s’inclinaient l’une vers l’autre, formant une sorte de pont au-dessus de la rue, ce qui l’empêchait naturellement d’être bien claire. Il y avait aussi quelques passerelles jetées à hauteur d’étage d’une maison à l’autre.
Les habitants de cette rue me firent une impression profonde. Au début, je pensais que c’était parce qu’ils étaient tous silencieux et secrets, mais plus tard je compris que c’était parce qu’ils étaient tous très vieux. Je suis incapable de dire ce qui m’a amené à vivre dans une pareille rue : je n’étais pas moi-même lorsque j’y emménageai. J’avais vécu jusqu’alors dans des endroits misérables d’où mon manque d’argent m’avait toujours fait partir ; je finis par tomber sur cette bâtisse chancelante de la rue d’Auseil tenue par Blandot le paralytique. C’était la troisième maison à partir du bout de la rue, et de loin la plus haute de toutes.
Ma chambre se trouvait au cinquième étage ; la seule qui y fût occupée, car la maison était presque vide. La nuit de mon arrivée, j’entendis, venant des mansardes au-dessus de moi, une étrange musique, et le lendemain j’interrogeai le vieux Blandot.
H.P. Lovecraft, « La Musique d’Erich Zahn »,
dans Par-delà le mur du sommeil.
Je n’ai jamais vu de rue aussi étroite et aussi raide que la rue d’Auseil. C’était presque une escalade ; elle était fermée à tout véhicule, coupée d’escaliers par endroits, et bouchée à son sommet par un mur élevé et couvert de lierre. Son revêtement changeait au cours de la route : par endroits de vastes dalles, en d’autres des pavés, en d’autres encore une terre battue à quoi s’accrochait comme elle pouvait une végétation vert grisâtre. Les maisons qui bordaient la rue étaient hautes, avec des toits pointus, incroyablement vieilles, et toutes penchaient de la façon la plus fantasque qui fût, en avant, en arrière ou de côté. Par endroits, deux maisons se faisant face s’inclinaient l’une vers l’autre, formant une sorte de pont au-dessus de la rue, ce qui l’empêchait naturellement d’être bien claire. Il y avait aussi quelques passerelles jetées à hauteur d’étage d’une maison à l’autre.
Les habitants de cette rue me firent une impression profonde. Au début, je pensais que c’était parce qu’ils étaient tous silencieux et secrets, mais plus tard je compris que c’était parce qu’ils étaient tous très vieux. Je suis incapable de dire ce qui m’a amené à vivre dans une pareille rue : je n’étais pas moi-même lorsque j’y emménageai. J’avais vécu jusqu’alors dans des endroits misérables d’où mon manque d’argent m’avait toujours fait partir ; je finis par tomber sur cette bâtisse chancelante de la rue d’Auseil tenue par Blandot le paralytique. C’était la troisième maison à partir du bout de la rue, et de loin la plus haute de toutes.
Ma chambre se trouvait au cinquième étage ; la seule qui y fût occupée, car la maison était presque vide. La nuit de mon arrivée, j’entendis, venant des mansardes au-dessus de moi, une étrange musique, et le lendemain j’interrogeai le vieux Blandot.
H.P. Lovecraft, « La Musique d’Erich Zahn »,
dans Par-delà le mur du sommeil.