La nature morte a longtemps été regardée comme une variété inférieure de peinture : à l'époque de ce tableau, on lui accordait moins de valeur qu'au portrait, qui lui même en avait bien moins que le tableau à sujet historique, à plus forte raison religieux.
C'est pourtant un véritable tour-de-force que de représenter le bois vernis, le cuir lisse, la limpidité du cristal, la verdeur d'un vin.
C'en est un autre que de faire interminablement parler les interprètes avec quelques objets posés à l'angle d'une table ; pour certains d'entre eux le sujet du tableau ci-dessus est évidemment religieux (le pain et le vin de la Cène, les trois fleurs pour la Trinité, ainsi de suite) tandis que pour d'autres il parle assez innocemment de la jeunesse, du plaisir et de la vie.
Ce n'est pas grave, qu'ils ne soient pas d'accord entre eux : je me répète, ça tue le temps, et de façon parfaitement inoffensive. Il faut prendre ça comme un jeu très sérieux.
Le tableau ci-dessous, en revanche, ne semble pas poser les mêmes problèmes d'interprétation.
Quelle idée, non ?
Qu'est-ce qui lui a pris, à Goya, d'aller nous mettre sous le nez quelque chose d'aussi laid, quelque chose qu'en tout cas on aurait préféré ne pas voir - et pourquoi le peindre si affreusement, à traits grossiers, avec une palette aussi pauvre et aussi lugubre ?
Pour un esprit troublé, pour un artiste en temps de guerre, il n'y a pas à chercher bien loin.
C'est un sujet à la fois horrible et quelconque, comme le sont les choses qu'on voit quand la guerre fait rage autour de soi.
Toute l'intensité de la vie, toute sa complexité, tiennent à l'aise sur un coin de table ou de billot.