Orion, le chasseur géant né de l'urine des dieux, a eu les yeux crevés par Oenopion, roi de Chios, dont il convoitait la fille.
Pour retrouver la vue, il doit voyager jusqu'à l'Est, et se tenir face au Soleil à son lever, quand il jaillit de l'Océan.
Il fallait un guide à Orion : à la forge d'Héphaïstos il a pris Céladion et l'a perché sur ses épaules.
La déesse Artémis, une bonne amie du chasseur géant (elle cause tout de même sa mort dans deux versions du mythe sur les trois qu'on connaît) le regarde du haut d'un brouillard qui cache le soleil. La peau d'Artémis est bleue ; du coude elle s'appuie sur un nuage ; elle a le poing contre la joue, dans l'attitude d'une entité surnaturelle qui ne doit plus s'étonner de grand chose.
L'Aube tombera amoureuse du géant né d'une peau de bœuf aspergée d'urine olympienne ; et le Soleil, frère de l'Aube, lui rendra ses yeux.
Il y a des passants sur le chemin de terre ; l'un d'eux semble indiquer la route à Céladion ; Orion n'a pas l'air de vouloir s'arrêter pour l'écouter. Il y a quelque chose d'un peu rebutant chez ce grand personnage en train de se précipiter dans cette campagne tranquille, sa main droite crispée sur un arc qui ne lui est d'aucune utilité. Deux autres petites figures, un peu plus loin, dans l'ombre des chênes - car ce sont forcément des chênes -, ont l'air surprises en le découvrant qui s'approche.
La lumière est douce ; le bleu du ciel est un peu assombri ou grisé, presque minéral. Vers le milieu de la toile, on voit une petite ville au bord de la mer, et plus à droite un phare minuscule.
Ce serait peut-être moins beau si Orion manquait.
Ce sujet encombrant me pousse à reporter mon intérêt vers d'autres endroits de la composition ; le mythe aberrant, le grand corps absurde avec son escorte en ordre dispersé, me font mieux voir le pays de collines, de bois moutonnant vers la mer, autrement dit le monde, au fond de la fable, en train de hausser les épaules.