Le matin parut survenir une minute plus tard. La clarté agaça les paupières de Buddy qui ouvrit les yeux. Il vit alors que cette clarté ne provenait pas du ciel, toujours noir, mais du bas d’une fenêtre, au ras du palier, juste au niveau de ses yeux. S’il avait été debout, au lieu d’être étendu à plat, ce rayon de lumière aurait seulement éclairé ses pieds. Le reste de la fenêtre était masqué par un store opaque, qui ne s’était peut-être pas déroulé complètement. Mais ce petit espace suffisait à Buddy pour qu’il pût voir tout l’intérieur de la pièce.
Deux personnes s’y trouvaient, un homme et une femme. L’enfant aurait refermé les yeux pour retrouver le sommeil – les grandes personnes, ça ne l’intéressait pas - , si ces gens-là ne s’étaient comportés de façon bizarre. Cela piqua sa curiosité et l’incita à regarder plus longtemps.
L’homme était endormi sur une chaise, près de la table. Il avait dû trop boire ou quelque chose… En tout cas, une bouteille et deux verres se trouvaient devant lui. Sa tête reposait sur la table et il avait une main contre ses yeux, comme pour les protéger de la lumière.
La femme se déplaçait sur la pointe des pieds, en s’efforçant visiblement de ne faire aucun bruit. Elle tenait à la main un veston, qu’elle venait sans doute de prendre au dossier de la chaise, où l’homme l’avait suspendu avant de s’endormir. Elle avait beaucoup de rouge et de blanc sur la figure, mais Buddy ne la trouva pas jolie pour autant. Quand elle eut fini de contourner la table, elle s’arrêta et se mit à fouiller les poches du veston, l’une après l’autre. Elle tournait le dos à l’homme en faisant cela, mais Buddy la voyait de côté.
L’attitude furtive de la femme fut la première chose qui retint son attention, puis il vit les doigts de l’homme, ceux de la main qui était devant ses yeux, s’écarter légèrement…
Quand la femme tourna la tête, pour s’assurer qu’il continuait à dormir, les doigts se refermèrent, juste à temps. Rassurée, elle poursuivit son manège. Finalement, sa main ramena un gros rouleau de billets de banque. Alors, rejetant le veston de côté, elle baissa la tête et se mit à les compter. Ses yeux brillaient et, de temps à autre, Buddy la voyait passer sa langue sur ses lèvres.
Brusquement, l’enfant retint sa respiration. Le bras de l’homme s’était mis à ramper doucement sur la table, en direction de la femme. On aurait dit un gros serpent se rapprochant lentement de sa proie. Puis, quand le bras eut atteint le bout de la table, l’homme se leva progressivement de sur la chaise, se penchant en avant. Il souriait, mais ça n’était pas un bon sourire. Et la femme n’avait toujours conscience de rien.
Le cœur de Buddy se mit à battre à grands coups dans sa poitrine et il pensa : « Retournez-vous, m’dame, retournez-vous ! » Mais elle n’en fit rien, trop occupée à compter l’argent.
William Irish, Une Incroyable histoire, 1947.
(Traduit de l’anglais par Maurice-Bernard Endrèbe).
Deux personnes s’y trouvaient, un homme et une femme. L’enfant aurait refermé les yeux pour retrouver le sommeil – les grandes personnes, ça ne l’intéressait pas - , si ces gens-là ne s’étaient comportés de façon bizarre. Cela piqua sa curiosité et l’incita à regarder plus longtemps.
L’homme était endormi sur une chaise, près de la table. Il avait dû trop boire ou quelque chose… En tout cas, une bouteille et deux verres se trouvaient devant lui. Sa tête reposait sur la table et il avait une main contre ses yeux, comme pour les protéger de la lumière.
La femme se déplaçait sur la pointe des pieds, en s’efforçant visiblement de ne faire aucun bruit. Elle tenait à la main un veston, qu’elle venait sans doute de prendre au dossier de la chaise, où l’homme l’avait suspendu avant de s’endormir. Elle avait beaucoup de rouge et de blanc sur la figure, mais Buddy ne la trouva pas jolie pour autant. Quand elle eut fini de contourner la table, elle s’arrêta et se mit à fouiller les poches du veston, l’une après l’autre. Elle tournait le dos à l’homme en faisant cela, mais Buddy la voyait de côté.
L’attitude furtive de la femme fut la première chose qui retint son attention, puis il vit les doigts de l’homme, ceux de la main qui était devant ses yeux, s’écarter légèrement…
Quand la femme tourna la tête, pour s’assurer qu’il continuait à dormir, les doigts se refermèrent, juste à temps. Rassurée, elle poursuivit son manège. Finalement, sa main ramena un gros rouleau de billets de banque. Alors, rejetant le veston de côté, elle baissa la tête et se mit à les compter. Ses yeux brillaient et, de temps à autre, Buddy la voyait passer sa langue sur ses lèvres.
Brusquement, l’enfant retint sa respiration. Le bras de l’homme s’était mis à ramper doucement sur la table, en direction de la femme. On aurait dit un gros serpent se rapprochant lentement de sa proie. Puis, quand le bras eut atteint le bout de la table, l’homme se leva progressivement de sur la chaise, se penchant en avant. Il souriait, mais ça n’était pas un bon sourire. Et la femme n’avait toujours conscience de rien.
Le cœur de Buddy se mit à battre à grands coups dans sa poitrine et il pensa : « Retournez-vous, m’dame, retournez-vous ! » Mais elle n’en fit rien, trop occupée à compter l’argent.
William Irish, Une Incroyable histoire, 1947.
(Traduit de l’anglais par Maurice-Bernard Endrèbe).