"S’il suscite une tempête, vous entendez siffler les vents et mugir les flots ; vous les voyez s’élever contre les rochers et les blanchir de leur écume. Les matelots crient ; les flancs du bâtiment s’entr’ouvrent ; les uns se précipitent dans les eaux ; les autres, moribonds, sont étendus sur le rivage. Ici des spectateurs élèvent leurs mains aux cieux ; là une mère presse son enfant contre son sein ; d’autres s’exposent à périr pour sauver leurs amis ou leurs proches ; un mari tient entre ses bras sa femme à demi pâmée ; une mère pleure sur son enfant noyé ; cependant le vent applique ses vêtements contre son corps et vous en fait discerner les formes ; des marchandises se balancent sur les eaux, et des passagers sont entraînés au fond des gouffres."
(Denis Diderot, à propos du peintre Vernet, dans son Salon de 1763.)
Une chose à savoir : à l'époque de Diderot et Vernet aussi les riches Parisiens allaient à la mer, en Bretagne ou en Normandie - par la malle-poste, on y arrivait en quelques jours à peine.
Mais ça n'était pas pour aller se baigner qu'on faisait le voyage : c'était en ce temps-là une idée dégoûtante, qui ne serait venue à l'esprit de personne, comme si l'on avait voulu se tremper dans une espèce de soupe au crabe ou de bouillabaisse.
On y venait pour voir la tempête.
Et si la tempête ne soufflait pas de tout le séjour, vraiment, on repartait déçu vers la capitale.
Ceux d'entre vous qui aiment l'orage comprennent certainement pourquoi.