J'habitais avec ma femme depuis quelques mois dans la vaste maison que m'avait léguée ma mère à sa mort. Elle était partie en voyage pour son travail. Je l'avais accompagnée la veille à l'aéroport Roissy-Charles de Gaule. Au retour, la route couverte de givre était devenue glissante. Un épais brouillard rendait la circulation encore plus difficile. C'est avec une certaine angoisse que je traversai un chemin de forêt. Les panneaux « danger animaux » n'avaient rien de rassurant. Il ne manquerait plus qu'un foutu sanglier ait la bonne idée de traverser...
Enfin j'étais arrivé. Je n'avais qu'une hâte, me reposer dans mon vieux lit douillet. J'allumai, comme un rituel, la télé pour regarder une de ces émissions à dormir debout. En effet, ces derniers temps j'avais du mal à m'endormir...
Un bruit étrange me tira soudainement de mon sommeil. Ce n'était ni un rêve, ni la télé. Il me semblait entendre des pas sourds dans l'ancienne chambre de ma mère. Je pensai tout de suite à un voleur. Je me précipitai sur mon téléphone pour appeler la police. Plus de batterie. Un frisson parcourut mon corps. Que faire ? Le bruit des pas résonnait de plus en plus bruyamment. Mon instinct me dicta de me procurer un couteau dans la cuisine au plus vite. Le plus discrètement possible, je me faufilai dans la cuisine. Je revins furtivement vers la porte de la chambre de ma mère. Je tendis l'oreille. Le bruit avait soudainement cessé. Le malfrat m'avait-il repéré ?
Dans un sursaut de courage, je décidai d'en avoir le cœur net. J'entrouvris brusquement la porte.
La pièce était plongée dans l'obscurité. J'appuyai sur l'interrupteur. La lumière mit trop de temps à mon goût à éclairer la pièce. Rien, personne. Tout était en ordre, même la poussière. Tout, non. La vue de la grande photo de mariage de mes parents posée sur la table de chevet m'horrifia. La chaise sur laquelle ma mère souriante aurait du être assise était vide ! Seul mon père me regardait. Tout à coup, je sentis derrière moi une vague de chaleur glaciale. Je sentis une main se poser sur mon épaule. Pétrifié, j'essayai de me retourner. Le sang me montait à la tête. La voix, je la reconnus tout de suite. J'entendis distinctement la tendre voix de ma chère mère qui me vouvoyait comme elle l'avait toujours fait. Elle répétait sans cesse la même phrase tout en posant ses grands yeux bleus sur moi. Un vertige foudroyant me saisit...
Je me réveillai le lendemain dans une chambre d'hôpital, attaché à un lit. Je criai. Une infirmière arriva. Sa voix douce me calma. Elle m'expliqua que j'étais arrivé cette nuit à pied et en robe de chambre tenant fermement une photo en noir et blanc que les médecins eurent du mal à m'arracher...tout en répétant sans cesse les mêmes mots :« libérez-moi ».
Maëlia, 2019.