J'aurais dû poster ce tableau hier, tiens, mais je n'y ai pas pensé.
Je reviendrai à James Ensor demain, d'ailleurs.
James Ensor était un héritier lointain de Bosch et de Brueghel : son Entrée du Christ à Bruxelles m'évoque irrésistiblement La Chute des Anges rebelles du second.
Si ce n'est que la foule a remplacé les diables, et que le Christ (on peut voir briller son auréole, vers le milieu de la composition) a l'air très heureux d'être ainsi cerné par un océan de grimaces réjouies, de têtes à faire peur qui rient, de physionomies de papier mâché dont beaucoup ont de quoi mettre mal à l'aise.
James Ensor aimait bien les gens ; il aimait moins les foules.
On peut ne pas lui en vouloir.
Et puis il n'était pas le seul :
14 juillet. -- Fête de la République. Je me suis promené par les rues. Les pétards et les drapeaux m’amusaient comme un enfant. C’est pourtant fort bête d’être joyeux, à date fixe, par décret du gouvernement. Le peuple est un troupeau imbécile, tantôt stupidement patient et tantôt férocement révolté. On lui dit : « Amuse-toi. » Il s’amuse. On lui dit : « Va te battre avec le voisin. » Il va se battre. On lui dit : « Vote pour l’Empereur. » Il vote pour l’Empereur. Puis, on lui dit : « Vote pour la République. » Et il vote pour la République.
Ceux qui le dirigent sont aussi sots ; mais au lieu d’obéir à des hommes, ils obéissent à des principes, lesquels ne peuvent être que niais, stériles et faux, par cela même qu’ils sont des principes, c’est-à-dire des idées réputées certaines et immuables, en ce monde où l’on n’est sûr de rien, puisque la lumière est une illusion, puisque le bruit est une illusion. (Guy de Maupassant, "Le Horla", 1887.)
Qui a lu "Le Horla" - je veux dire, vraiment lu. Qu'est-ce qu'on ne fait pas lire aux enfants.
L'horreur dans "Le Horla", c'est la toile de fond.
Et à propos de toile : celle-ci est immense, plus de quatre mètres de large ; on peut en voir ici une reproduction en très haute définition.