Penser, classer les objets du monde - à l'époque où Anne Vallayer-Coster peint ce tableau, c'est un souci assez nouveau.
Avant cela, on ne voyait pas vraiment d'ordre au vivant : ces choses qu'on remontait du fond de l'océan, horribles ou gracieuses ou les deux à la fois, qui tenaient le milieu entre la bête, la plante et la pierre, n'étaient que des bizarreries, les produits aberrants d'une Mère Nature qui aurait perdu la tête à force de temps passé si loin des Hommes : on les collectionnait sans oser décider si c'était l’œuvre de Dieu ou bien du Diable.
Et puis on a voulu y voir plus clair : on a cherché entre elles des correspondances, on s'est interrogé sur leurs origines, leurs liens de parenté. Et plus on s'efforçait de les comprendre, plus on s'émerveillait de ce qu'on trouvait, de ce qui échappait aussi : on faisait de la science, en résumé.
La vie était partout où l'on regardait : elle prenait des formes folles et pourtant pertinentes ; petit à petit on lui dessinait une histoire. Les êtres vivants semblaient constamment occupés, sans du tout s'en apercevoir, à résoudre chacun de son côté le vertigineux casse-tête de l'existence.
Le monde où nous vivons est devenu plus compliqué ; progressivement nous nous sommes sentis moins uniques, moins sûrs d'avoir le premier rôle, moins différents du reste.