Tous les portraitistes n'ont pas à cœur d'embellir leur sujet - même si le sujet en question est l'un des personnages les plus considérables de son temps.
Quoique.
Renseignements pris, dans le cas du pape Innocent X, il faut peut-être nuancer : on lui a plus d'une fois marché sur les pieds ; sa soeur Olimpia lui empoisonnait l'existence, et quand son pape de frère est mort elle a emporté du palais papal tous ce qu'elle en a pu, quand de son côté le pape Innocent X est resté oublié sur son lit de mort pendant trois jours, avant que l'un de ses neveux s'avise de le faire enterrer.
D'où sans doute les lèvres pincées, le regard d'animal traqué, la main droite ballante, pratiquement féminine, qui a l'air sortie d'un autre portrait. A ce moment déjà, le pape Innocent X devait avoir un début d'idée de ce qui l'attendait.
Au passage, il faut, ici aussi, aller voir de près ce qui se passe sur la toile.
Velazquez ne faisait pas beaucoup de dessins préparatoires avant de se mettre au travail ; il corrigeait un détail, un geste, comme ça lui venait. Ses tableaux, examinés aux rayons X ou au réflectographe, laissent deviner de nombreux repentirs.
Il peint vite, à grands coups tout à la fois précis et imprécis : il suffit de regarder les plis de la capeline du pape, la dentelle de son poignet.
Tout ça est fluide ; pourtant à l'arrivée tout ça fait présent, solide.
Ne pas chercher à représenter le sujet avec une méticulosité de machine. Se contenter d'attraper ce qui suffit à ce qu'il apparaisse.