L'Enfer : la grande récréation des peintres flamands.
Ce qui se comprend : puisque les diables sont à l'envers du monde, à l'envers de la création ordonnée, harmonieuse, alors on peut les voir comme un singulier mélange d'à peu près tout.
Donc on colle des ailes de papillon à une fleur d'artichaut, des pinces d'écrevisse à une vielle à roue, une oie vivante, une oie rôtie, un œuf... bras sans torse, tête sans jambes, déluge de corps écailleux et renflés, de faces d'animaux couronnés, d'un conglomérat de produits de l'art et de la nature, en couleurs affolées, comme une vaste ivresse de formes.
Les diables de Brueghel l'Ancien - et avant lui ceux de Jérôme Bosch - sont d'autant plus dangereux, peut-être, que leur désordre amuse au lieu d'effrayer. Leur délire est contagieux. Pour la foi de l'époque, l'Enfer, avant d'être le nid du Mal, est avant tout le lieu des séductions les plus perverses, un paradis d'égarement.