Gras, mélancolique, farouche, je reste continuellement à sentir sous mon ventre la chaleur de la boue. Mon crâne est tellement lourd qu'il m'est impossible de le porter. Je le roule autour de moi, lentement ; — et la mâchoire entrouverte, j'arrache avec ma langue les herbes vénéneuses arrosées de mon haleine. Une fois, je me suis dévoré les pattes sans m'en apercevoir.
Personne, Antoine, n'a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont morts. Si je relevais mes paupières, — mes paupières roses et gonflées, — tout de suite, tu mourrais.
Gustave Flaubert, La Tentation de Saint Antoine, 1874.
Personne, Antoine, n'a jamais vu mes yeux, ou ceux qui les ont vus sont morts. Si je relevais mes paupières, — mes paupières roses et gonflées, — tout de suite, tu mourrais.
Gustave Flaubert, La Tentation de Saint Antoine, 1874.