En-Dessous...
500 ans, 3 mois, 141 jours, 10 heures, 33 minutes et 40 secondes après le jour J. Le cadran était toujours en route, il affichait le temps depuis le « commencement ». Ils disaient qu’ils avaient tout créé, tout depuis le « commencement », ils voulaient que le peuple les appelle « les hommes du ciel ». Ils étaient dans cette structure en forme de clou renversé, suspendue avec des câbles qui disparaissaient dans la « pénombre lointaine ». L regardait par la fenêtre de sa chambre. Il regardait les lumières des ampoules accrochées au-dehors qui couraient tout le long de la cité. Quand il était petit, on lui avait dit qu’avant il y avait un ciel, un ciel bleu avec des nuages blancs ; le bleu, L ne l’avait connu que dans les livres où on parlait de ciel bleu très clair. Il y avait aussi un soleil avant, lui avait-on dit, c’était une grosse boule jaune-orangé qui éclairait et qui émettait de la chaleur. L plongea dans son imagination pour voir à quoi cela aurait pu ressembler, mais il n’y parvint pas. Depuis sa naissance, il n’avait connu que ces ampoules comme source de lumière et que son radiateur comme source de chaleur.
Soudain une forte voix se fit entendre. Tout d’abord L se demanda d’où elle venait, puis il s’aperçut qu’elle venait des hauts parleurs accrochés au niveau des lampes qui surplombaient la ville, ils étaient suspendus toutes les quinze lampes.
La voix disait « alerte système électrique ; valve 235 défectueuse, appel aux électriciens de la zone C ». Juste après l’appel, il y eu une coupure de courant générale. Cette voix, elle l’appelait, car il faisait partie du groupe d’électriciens de la zone C. Toutes ces alertes étaient devenues une habitude pour lui, il y en avait environ une toutes les semaines. Elle étaient devenues de plus en plus fréquentes. Avant c’était une fois tous les mois, puis toutes les deux semaines et maintenant toutes les semaines.
Tout était plongé dans le noir L dut chercher à tâtons sa combinaison d’électricien. Il n’eut pas de mal à la trouver étant donné qu’elle était rembourrée de mousse anti-inflammable et protégée par des coques de métal. Avec sa tenue, il trouva sa petite lampe frontale qu’il essaya d’allumer en vain.
Il descendit les escaliers pour aller dans la cuisine. Il avait branché des piles rechargeables à tout un réseau de fils reliés à cinq batteries. Sur le coté de la pièce, il y avait une manivelle que L tourna vivement, ce qui alimenta son « moniteur de survie ». Il prit tout son matériel et partit de la maison.
Il déverrouilla cinq serrures, un loquet et juste avant de sortir, il enfila son masque « ZAF » qui servait de masque à gaz, de jumelles, de lunette à vision nocturne, de détecteur de chaleur et de brèche. Il alluma aussi son moniteur de survie qui faisait un bruit assourdissant, mais c’était le seul moyen de connaître son niveau d’oxygène et si une partie de son corps était blessée.
Sur le chemin, il croisa des personnes qui ne bougeaient plus, comme des mannequins. Il traversa la rue et se dirigea vers la zone C. Il descendit dans un labyrinthe de tuyaux et d’escaliers. Des lumières rouges tournoyaient le long du chemin. Mais ce chemin glissant avec des tuyaux rouillés et de l’eau à mi-tibia n’était pas le pire ; le pire c’était la zone C. Elle se trouvait au centre du « Cœur », l’endroit le plus redouté de la cité. Le « Cœur » était ce qui faisait fonctionner toutes les lampes, les radiateurs, et tout ce qui était électronique.
Ils étaient cinq électriciens dans la zone C. Au tout départ, ils étaient sept, mais deux étaient morts. Ils s’avançaient tous les cinq sur les tuyaux pour aller à la valve 235. Elle était proche du centre du « Cœur ». Il y régnait une chaleur étouffante et abominable. Ils accrochèrent des lignes de vie aux tuyaux pour éviter de tomber dans le trou qui était juste sous eux. Arrivés à la valve, ils examinèrent
ce qui lui était arrivé et ils la réparèrent avec une sorte d’enduit noirâtre et visqueux, puis recouvrirent le tout d’une épaisse bande de tissu. Après ça, la lumière revint et le cour des choses reprit comme si de rien n’était. Un électricien dit en plaisantant « C’était moins une avant que le Cœur n’explose ».
Gabriel COMBE, 3° 6 (2016).