Je me trouvais à l’entrée de Paurradie, redoutant d’y pénétrer avec l’impression que toutes mes angoisses étaient entassées à l’intérieur. Mais je me surpris à avancer : la curiosité l’emportait sur la peur.
Je traversai un pont délabré et crasseux qui resta debout quand je m’y risquai, malgré son apparence vétuste. En arrivant au cœur de la ville, mon esprit fut effaré par ce que mes yeux lui montraient : les maisons ternes aux fenêtres fermées étaient surmontées par des toits irréguliers et affaissés. Le sol était jonché de poubelles ouvertes où des rats grignotaient quelques morceaux de pain ramollis par la pluie. Et partout, des ruelles étroites et sombres où j’apercevais des ombres intrigantes. Entrant dans ces ruelles qui tournaient, je me perdis. Je marchais sans savoir ce qu’il y avait au bout tandis que mes peurs refaisaient surface. Accélérant le pas, je fus soudain éblouie par une lumière scintillante. Étais-je en train de rêver ?
Au bout de la ruelle, je vis une place au centre de laquelle trônait une fontaine surmontée par une statue en or représentant un héros mythique à cheval avec une armure. Ici et là, des gens se promenaient tout en discutant. Je dus m’arrêter pour laisser passer une petite fille qui suivait un papillon, le sourire aux lèvres. Les maisons étaient colorées, avec de grandes fenêtres donnant sur la fontaine. En levant les yeux, je vis un ciel sans nuage, inondé par un soleil radieux. Dans les arbres, il y avait des oiseaux qui chantaient, remplissant l’air d’une mélodie entraînante. Je souhaitais voir ces merveilles d’en haut. Au coin d’une rue, je vis une échelle menant jusqu’au toit d’un grand immeuble. Je l’escaladai jusqu’à atteindre son extrémité. Finalement, je compris pourquoi le merveilleux avait succédé au macabre : le quartier sinistre, qui n’était que le cœur de la ville, était encerclé par sa partie la plus éclatante.
Paurradie était un gigantesque trompe-l’œil.
(Sharon, 2021.)