La Folle aux mille livres
C’était une bibliothécaire. Elle avait des cheveux bruns remontés en chignon et des lunettes noires à monture fine qui lui faisaient des yeux de fouine. Elle n’était pas très grande et un peu rondouillarde. Elle habitait à deux rues de sa bibliothèque dans une petite maison dont la façade était recouverte de lierre. Ses voisins ne l’aimaient pas et ne lui adressaient jamais la parole. Elle n’était pas vraiment appréciée au village. Bien qu’elle ne sût pourquoi, elle se doutait que le boucher y était pour beaucoup. Il la détestait depuis le jour où elle était venue le voir et lui avait dit devant toute sa clientèle qu’il lui avait vendu un lapin avarié.
Un soir, alors qu’elle rentrait chez elle, elle passa devant la boulangerie de la mère Bremont, une vieille femme aigrie par l’âge qui tenait cette affaire avec son mari depuis aussi longtemps que les villageois s’en souvenaient. Elle la vit avec un homme au crâne dégarni et grisonnant. Elle ne le reconnut pas, elle était loin et il était tard, mais connaissant le mari de la vieille pour lui acheter une baguette tous les deux jours, elle vit tout de suite que ce n’était pas lui. Le pauvre homme étant la seule personne avec qui elle arrivait à peu près à s’entendre ; elle alla frapper à sa porte le lendemain matin et lui expliqua la situation. Dans un premier temps, l’homme ne réagit pas. Puis il éclata en sanglots et la remercia. Elle s’en alla. Le lendemain, elle passa devant la boulangerie et elle vit la mère Bremont se faire jeter à la porte par son mari. Lorsque la vieille la vit, elle s’avança vers elle, les yeux pleins de colère et lui dit :
-Vous le paierez ma petite, vous le paierez !
Effectivement elle le paya. Elle brûla avec sa bibliothèque le soir même. L'amant de la vieille, qui n’était autre que le maire, y avait mis le feu pendant qu’elle était aux archives. Personne ne la regretterait vraiment mais, pour faire bonne figure, il revint sur les lieux pour aider à éteindre l'incendie, et lorsque ce fut fait il s’en alla. Il raconta par la suite à qui voulait l’entendre l’histoire de la femme que l’on appelait désormais «La folle aux milles livres». Cette femme qui avait perdu la tête à force d’être entourée d’histoires plus improbables les une que les autres et qui avait elle-même commencé à en raconter. Cette femme qui avait fini par oublier son chiffon sur le gaz de la petite cuisine, dans la pièce du fond de sa propre bibliothèque. Ce gaz qu’elle avait malencontreusement laissé allumé. Et il ponctuait chacune de ses récitations par un :
« Pauvre femme, elle nous manquera !»
Alicia, 4°1 – 2015.
Un soir, alors qu’elle rentrait chez elle, elle passa devant la boulangerie de la mère Bremont, une vieille femme aigrie par l’âge qui tenait cette affaire avec son mari depuis aussi longtemps que les villageois s’en souvenaient. Elle la vit avec un homme au crâne dégarni et grisonnant. Elle ne le reconnut pas, elle était loin et il était tard, mais connaissant le mari de la vieille pour lui acheter une baguette tous les deux jours, elle vit tout de suite que ce n’était pas lui. Le pauvre homme étant la seule personne avec qui elle arrivait à peu près à s’entendre ; elle alla frapper à sa porte le lendemain matin et lui expliqua la situation. Dans un premier temps, l’homme ne réagit pas. Puis il éclata en sanglots et la remercia. Elle s’en alla. Le lendemain, elle passa devant la boulangerie et elle vit la mère Bremont se faire jeter à la porte par son mari. Lorsque la vieille la vit, elle s’avança vers elle, les yeux pleins de colère et lui dit :
-Vous le paierez ma petite, vous le paierez !
Effectivement elle le paya. Elle brûla avec sa bibliothèque le soir même. L'amant de la vieille, qui n’était autre que le maire, y avait mis le feu pendant qu’elle était aux archives. Personne ne la regretterait vraiment mais, pour faire bonne figure, il revint sur les lieux pour aider à éteindre l'incendie, et lorsque ce fut fait il s’en alla. Il raconta par la suite à qui voulait l’entendre l’histoire de la femme que l’on appelait désormais «La folle aux milles livres». Cette femme qui avait perdu la tête à force d’être entourée d’histoires plus improbables les une que les autres et qui avait elle-même commencé à en raconter. Cette femme qui avait fini par oublier son chiffon sur le gaz de la petite cuisine, dans la pièce du fond de sa propre bibliothèque. Ce gaz qu’elle avait malencontreusement laissé allumé. Et il ponctuait chacune de ses récitations par un :
« Pauvre femme, elle nous manquera !»
Alicia, 4°1 – 2015.