Tous les coups sont permis quand il s’agit d’avoir raison. C’est pourquoi, en plus des arguments logiques et recevables que l’on trouve dans tout texte ou dans tout discours destiné à convaincre, il arrive souvent qu’on en croise d’autres, nettement moins recommandables mais néanmoins d’une redoutable efficacité. On les appelle les arguments fallacieux, c’est-à-dire « faussés » ou « biaisés » ; ils reposent sur des raccourcis logiques, ou jouent avec les émotions et la crédulité de ceux qui les entendent.
Voici une sélection des plus fréquents et des plus faciles à identifier.
1. L’attaque ad hominem
Rien de plus simple, pour balayer un argument, que de discréditer celui qui s’en sert en le présentant sous un jour défavorable, voire détestable. Le procédé est à ce point efficace qu’il n’est même pas nécessaire que l’attaque soit en rapport avec le sujet de la controverse.
Cette méthode aussi redoutable que foncièrement déloyale possède en outre l’avantage non seulement de déjouer l’argument que l’on cherche à contrer, mais aussi d’atténuer la portée de tous ceux que l’adversaire pourrait employer par la suite.
Exemple : « Rien d’étonnant à ce que Monsieur cherche à prouver que ces photographies de fées et de lutins ne sont que d’habiles montages : nous le connaissons assez pour savoir que c’est un esprit sans aucune imagination, un être froid, au cœur de machine, un adversaire acharné du rêve et de la poésie. »
Le monsieur en question est peut-être comme on le dit, mais ses preuves sont-elles irrecevables pour autant ? Il faudrait examiner les preuves en question, sans tenir compte de la personnalité de celui qui les avance.
2. L’argument post hoc
Très prisé des charlatans de toutes sortes, cet argument consiste à établir un lien artificiel entre deux faits en présentant le second comme la conséquence du premier.
Exemple : « Mon cousin avait attrapé une mauvaise toux. Hé bien ! il est allé voir ce docteur, tu sais, celui qui soigne par magnétisme. Il y est retourné deux fois en une semaine. Tu le croiras si tu veux, mais à la fin de la semaine, il ne toussait déjà plus ! »
On peut guérir de la plupart des affections bénignes en quelques jours, même sans traitement. Alors où est la preuve de l'efficacité du magnétiseur ?
3. L’argument d’autorité
Plutôt que de défendre soi-même un point de vue, il s’agit ici de faire valoir que celui-ci est également professé par quelqu’un dont on cherchera moins à discuter l’autorité - même s’il n’est pas censé être mieux renseigné qu’un autre sur la chose dont on discute.
Attention ! Tous les arguments d’autorité ne sont pas fallacieux : il est évident que faire appel aux travaux d’un historien pour discuter d’un point d’histoire, par exemple, est tout à fait justifié. La citation n’est d’ailleurs qu’une forme très courante d’argument d’autorité.
Exemple : « La Terre est plate.
- Mes calculs mathématiques tendent cependant à prouver que la Terre est ronde.
- La Terre est plate : c’est un disque d’or porté par les Quatre Géants des Points Cardinaux. C’est écrit en toutes lettres dans le Livre des Anciens. Discuterais-tu la parole des Anciens ? »
En fait, ici, on aurait plutôt deux arguments d'autorité qui s'opposent. Toute la question est de savoir lequel on accepte, et pourquoi. C'est une réflexion vertigineuse :)
4. La généralisation hâtive
Le procédé est simple : on cherche à faire d’un cas particulier une règle générale.
Exemple : «Les chats siamois sont de vraies pestes. Ma belle-sœur en avait un. Hé bien ! il était si vicieux, si mauvais avec les enfants - et même avec elle - qu’il a fallu qu’elle s’en débarrasse. Croyez-moi : n’achetez jamais une de ces saletés. »
C'est peut-être vrai pour ce chat, mais pour tous ?
5. Le précédent malheureux (ou heureux)
Très proche du précédent dans le principe, celui-ci consiste à soutenir que ce qui est arrivé une fois dans des conditions données arrivera forcément de nouveau dans des conditions à peu près identiques.
Exemple : « Je refuse d’écouter Denis ; la dernière fois que nous avons tenu compte de son opinion, nous avons eu de sérieux ennuis. »
Denis est-il condamné à avoir toujours tort ?
Autre exemple : « Pourquoi ne pas prendre ce chemin ? C’est autrement plus long par ici.
- Peut-être, mais la dernière fois que j’ai pris le chemin dont tu parles, j’ai failli quitter la route. Il est hors de question que ça se reproduise. »
Tous ceux qui prennent le chemin en question ont-ils failli quitter la route ?
6. Les « appels »
Il s’agit d’une série de ficelles rhétoriques très grossières, qui ne visent pas l’intelligence du destinataire, mais s’adressent plutôt à ses émotions ou à ses préjugés. On peut citer entre autres :
L’appel à la pitié
« Ecoutez, je sais bien que le programme de Marcel ne tient pas debout, mais si vous refusez de lui donner vos voix, c’est un homme fini ! Sa vie privée est un désastre, sa femme menace de le quitter, ses enfants le traitent de raté… Allons, faites un bon geste, soyez humains ! Pour ce que ça vous coûte ! »
Quel rapport entre la situation de Marcel et la validité de son programme?
L’appel à la sympathie ou à l’esprit de groupe
« Nous n’allons pas tous agir dans ce sens parce que nous sommes tous d’accord ! Non ! Nous allons tous agir dans ce sens parce qu’en dépit de nos désaccords, nous formons une grande famille, et une famille, ça doit rester uni et se serrer les coudes ! Nous allons tous agir ensemble parce que nous sommes comme des frères, et que des frères ne se trahissent pas entre eux ! »
Doit-on toujours donner raison à nos amis ou à nos proches parce que nous leur sommes liés ?
L’appel à la crainte
« Si vous faites confiance à mon adversaire, les terroristes qui menacent la nation seront libres d’agir. Votez pour lui, et vous mettez en péril vos femmes et vos enfants. Voulez-vous vraiment livrer à l’ennemi qui se cache déjà parmi nous la vie de vos concitoyens, de vos amis, de vos familles?»
Tout le monde connaît celui-là :)
L’appel à la tradition
« Du temps de nos pères, on se battait déjà contre ceux du hameau de Bouquère. Même chose du temps des pères de nos pères, et même chose du temps des pères des pères de nos pères ! En somme, depuis qu’il y a un hameau de Bouquère, ça a toujours été comme ça. Qu’on me donne une seule bonne raison pour que ça change ! »
Et donc, rien n'évolue jamais ?
7. Syllogisme et sophisme
Un syllogisme est un raisonnement logique prenant la forme suivante : A est X ; B est A ; donc B est aussi X.
Exemple : « Les hommes sont mortels ; or Socrate est un homme ; donc Socrate est mortel. »
Un sophisme ressemble à s’y méprendre à un syllogisme, si ce n’est que l’une des propositions qui le composent ne tient pas debout.
Exemple : « Un cheval bon marché est rare ; or tout ce qui est rare est cher ; donc un cheval bon marché est cher ». On voit bien que la deuxième proposition, à mieux la regarder, repose sur une généralisation hâtive : on pourrait citer bien des exemples de choses rares et sans valeur. Tout l’art du sophiste consiste à « noyer le poisson » de façon à ce que la proposition spécieuse ( autrement dit biaisée) passe inaperçue.
Voilà ! Rassurez-vous, on ne va pas vous interroger au brevet sur les arguments fallacieux. Mais on y est si souvent confronté qu'il ne me paraît pas inutile d'aborder le sujet.
Voici une sélection des plus fréquents et des plus faciles à identifier.
1. L’attaque ad hominem
Rien de plus simple, pour balayer un argument, que de discréditer celui qui s’en sert en le présentant sous un jour défavorable, voire détestable. Le procédé est à ce point efficace qu’il n’est même pas nécessaire que l’attaque soit en rapport avec le sujet de la controverse.
Cette méthode aussi redoutable que foncièrement déloyale possède en outre l’avantage non seulement de déjouer l’argument que l’on cherche à contrer, mais aussi d’atténuer la portée de tous ceux que l’adversaire pourrait employer par la suite.
Exemple : « Rien d’étonnant à ce que Monsieur cherche à prouver que ces photographies de fées et de lutins ne sont que d’habiles montages : nous le connaissons assez pour savoir que c’est un esprit sans aucune imagination, un être froid, au cœur de machine, un adversaire acharné du rêve et de la poésie. »
Le monsieur en question est peut-être comme on le dit, mais ses preuves sont-elles irrecevables pour autant ? Il faudrait examiner les preuves en question, sans tenir compte de la personnalité de celui qui les avance.
2. L’argument post hoc
Très prisé des charlatans de toutes sortes, cet argument consiste à établir un lien artificiel entre deux faits en présentant le second comme la conséquence du premier.
Exemple : « Mon cousin avait attrapé une mauvaise toux. Hé bien ! il est allé voir ce docteur, tu sais, celui qui soigne par magnétisme. Il y est retourné deux fois en une semaine. Tu le croiras si tu veux, mais à la fin de la semaine, il ne toussait déjà plus ! »
On peut guérir de la plupart des affections bénignes en quelques jours, même sans traitement. Alors où est la preuve de l'efficacité du magnétiseur ?
3. L’argument d’autorité
Plutôt que de défendre soi-même un point de vue, il s’agit ici de faire valoir que celui-ci est également professé par quelqu’un dont on cherchera moins à discuter l’autorité - même s’il n’est pas censé être mieux renseigné qu’un autre sur la chose dont on discute.
Attention ! Tous les arguments d’autorité ne sont pas fallacieux : il est évident que faire appel aux travaux d’un historien pour discuter d’un point d’histoire, par exemple, est tout à fait justifié. La citation n’est d’ailleurs qu’une forme très courante d’argument d’autorité.
Exemple : « La Terre est plate.
- Mes calculs mathématiques tendent cependant à prouver que la Terre est ronde.
- La Terre est plate : c’est un disque d’or porté par les Quatre Géants des Points Cardinaux. C’est écrit en toutes lettres dans le Livre des Anciens. Discuterais-tu la parole des Anciens ? »
En fait, ici, on aurait plutôt deux arguments d'autorité qui s'opposent. Toute la question est de savoir lequel on accepte, et pourquoi. C'est une réflexion vertigineuse :)
4. La généralisation hâtive
Le procédé est simple : on cherche à faire d’un cas particulier une règle générale.
Exemple : «Les chats siamois sont de vraies pestes. Ma belle-sœur en avait un. Hé bien ! il était si vicieux, si mauvais avec les enfants - et même avec elle - qu’il a fallu qu’elle s’en débarrasse. Croyez-moi : n’achetez jamais une de ces saletés. »
C'est peut-être vrai pour ce chat, mais pour tous ?
5. Le précédent malheureux (ou heureux)
Très proche du précédent dans le principe, celui-ci consiste à soutenir que ce qui est arrivé une fois dans des conditions données arrivera forcément de nouveau dans des conditions à peu près identiques.
Exemple : « Je refuse d’écouter Denis ; la dernière fois que nous avons tenu compte de son opinion, nous avons eu de sérieux ennuis. »
Denis est-il condamné à avoir toujours tort ?
Autre exemple : « Pourquoi ne pas prendre ce chemin ? C’est autrement plus long par ici.
- Peut-être, mais la dernière fois que j’ai pris le chemin dont tu parles, j’ai failli quitter la route. Il est hors de question que ça se reproduise. »
Tous ceux qui prennent le chemin en question ont-ils failli quitter la route ?
6. Les « appels »
Il s’agit d’une série de ficelles rhétoriques très grossières, qui ne visent pas l’intelligence du destinataire, mais s’adressent plutôt à ses émotions ou à ses préjugés. On peut citer entre autres :
L’appel à la pitié
« Ecoutez, je sais bien que le programme de Marcel ne tient pas debout, mais si vous refusez de lui donner vos voix, c’est un homme fini ! Sa vie privée est un désastre, sa femme menace de le quitter, ses enfants le traitent de raté… Allons, faites un bon geste, soyez humains ! Pour ce que ça vous coûte ! »
Quel rapport entre la situation de Marcel et la validité de son programme?
L’appel à la sympathie ou à l’esprit de groupe
« Nous n’allons pas tous agir dans ce sens parce que nous sommes tous d’accord ! Non ! Nous allons tous agir dans ce sens parce qu’en dépit de nos désaccords, nous formons une grande famille, et une famille, ça doit rester uni et se serrer les coudes ! Nous allons tous agir ensemble parce que nous sommes comme des frères, et que des frères ne se trahissent pas entre eux ! »
Doit-on toujours donner raison à nos amis ou à nos proches parce que nous leur sommes liés ?
L’appel à la crainte
« Si vous faites confiance à mon adversaire, les terroristes qui menacent la nation seront libres d’agir. Votez pour lui, et vous mettez en péril vos femmes et vos enfants. Voulez-vous vraiment livrer à l’ennemi qui se cache déjà parmi nous la vie de vos concitoyens, de vos amis, de vos familles?»
Tout le monde connaît celui-là :)
L’appel à la tradition
« Du temps de nos pères, on se battait déjà contre ceux du hameau de Bouquère. Même chose du temps des pères de nos pères, et même chose du temps des pères des pères de nos pères ! En somme, depuis qu’il y a un hameau de Bouquère, ça a toujours été comme ça. Qu’on me donne une seule bonne raison pour que ça change ! »
Et donc, rien n'évolue jamais ?
7. Syllogisme et sophisme
Un syllogisme est un raisonnement logique prenant la forme suivante : A est X ; B est A ; donc B est aussi X.
Exemple : « Les hommes sont mortels ; or Socrate est un homme ; donc Socrate est mortel. »
Un sophisme ressemble à s’y méprendre à un syllogisme, si ce n’est que l’une des propositions qui le composent ne tient pas debout.
Exemple : « Un cheval bon marché est rare ; or tout ce qui est rare est cher ; donc un cheval bon marché est cher ». On voit bien que la deuxième proposition, à mieux la regarder, repose sur une généralisation hâtive : on pourrait citer bien des exemples de choses rares et sans valeur. Tout l’art du sophiste consiste à « noyer le poisson » de façon à ce que la proposition spécieuse ( autrement dit biaisée) passe inaperçue.
Voilà ! Rassurez-vous, on ne va pas vous interroger au brevet sur les arguments fallacieux. Mais on y est si souvent confronté qu'il ne me paraît pas inutile d'aborder le sujet.